Interview de « Nos pieds sur terre »

Bénédicte et Rémi Richard vivent avec leurs enfants dans une fermette du Cantal où ils pratiquent au quotidien l’autonomie, la permaculture et les low-tech. Ils ont fondé « Nos pieds sur terre » qui propose des ateliers et des stages accueillant des familles pour les aider à cultiver leur résilience.

Adrastia les a rencontrés en août 2019, à l’occasion du festival « Sans Transition? », où ils sont venus présenter leurs activités.

Adrastia: Pouvez-vous nous présenter votre famille et nous dire un mot de votre parcours ?

Nous sommes une famille de cinq avec trois garçons âgés de douze, dix et quatre ans, avec qui nous pratiquons l’instruction en famille en même temps que nous auto-éco-rénovons une fermette.

Rémi : Informaticien dans une banque et conscient de l’effet dévastateur de ce genre de profession, j’ai profité de la prise de poste de Bénédicte pour arrêter de travailler et la suivre. Ce nouveau temps où mon cerveau est redevenu disponible m’a permis d’ouvrir les yeux, de prendre conscience de la finitude de notre système et de l’étudier. Conscient de l’urgence de l’action, je me suis formé aux énergies renouvelables et après avoir été installateur, j’accompagne aujourd’hui les particuliers à devenir autonomes et résilients.

Bénédicte : Passionnée d’éducation et de pédagogies alternatives, j’ai enseigné en tant que professeur des écoles dans des classes difficiles. J’ai démissionné lorsque j’ai pris conscience que les limites que l’on m’imposait ne me permettaient plus d’accompagner le rythme naturel des enfants. De nouveau disponible, je me suis formée à la médecine traditionnelle chinoise afin d’accompagner le plus naturellement possible nos enfants dans les soins du quotidien. Aujourd’hui thérapeute, j’allie cette médecine multimillénaire à des techniques de libération émotionnelles afin d’accompagner mes patients à construire une vision plus globale de leur santé.

Qu’est-ce qui vous a fait prendre conscience de l’effondrement, comment êtes-vous arrivés à la résilience et l’autonomie?

Un message sur le forum oleocene.org en 2005 racontait la dépendance de notre société au pétrole et les conséquences qui en découlaient. Ce fut un électrochoc. S’en sont alors suivies trois années de lecture intense avec tous les grands classiques, en commençant par « Pétro-apocalypse », « Effondrement » , « Comment les riches détruisent la planète », ainsi que la participation à des forums sur le sujet. Les vidéoconférences actuelles n’existaient pas.

Nous avons par conséquent réorienté plus radicalement notre projet de vie vers l’autonomie. En même temps, nous avons essayé de sensibiliser nos proches de façon directe et frontale, car pour nous l’urgence d’agir était là. Ce fut bien maladroit, avec un résultat catastrophique… Par la suite, nous avons préféré ne parler que d’écologie pour justifier nos choix.

Nos enfants ont fait leurs premiers pas et leurs premières chutes dans le chantier de notre fermette en auto-éco-rénovation. L’objectif des travaux de ces années-là était, bien évidemment, l’autonomie. De plus, nos rencontres, échanges, discussions et l’évolution des choix des politiques nous ont permis de préciser notre vision de l’effondrement pour désormais rechercher, en plus, la résilience.

Pour vous, que signifie la résilience et comment essayez-vous de la vivre au quotidien?

Notre résilience est notre capacité à continuer notre projet de vie après l’effondrement et ainsi être prêts pour la reconstruction. Notre quotidien allie à la fois recherche, réflexion et expérimentation car nous essayons d’adopter le réflexe de calculer notre dépendance dans chacun de nos actes. C’est épuisant mais c’est passionnant!

L’accueil des stages

Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets d’outils low-tech que vous avez mis au point ou expérimenté ?

Nous utilisons des outils low-tech que nous avons réalisés depuis plusieurs années. Le premier fut un four solaire. Après de menues améliorations il nous permet de faire cuire des pommes de terre, œufs durs, tartes, clafoutis pendant toute la période estivale. Atteignant une température maximale de 150°C (encore améliorable) il offre une cuisson le plus souvent basse température. Avec cet outil, nous sommes obligés de ralentir notre rythme de vie, d’anticiper et de nous adapter à la météo, ce qui est très souvent le cas des objets low-tech. Par exemple, la cuisson demande une demi-journée et décider du menu trente minutes avant le repas n’est plus possible. Ce four permet une économie d’environ 4 kwh d’électricité, ce qui n’est pas négligeable en matière d’impact écologique. En revanche, au niveau économique, c’est plus discutable : au prix de l’énergie actuelle, on économiserait moins d’un euro par cuisson (mais ça, ça va augmenter…).

Le four solaire

L’utilisation d’outils à pédales reste pour l’instant dans le domaine expérimental. Ayant suffisamment de panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, nous n’avons pas besoin d’énergie extérieure pour la machine à laver, l’électricité de la maison, le lave-vaisselle et la douche. Nous les présentons pour sensibiliser le public à l’importance de l’énergie dans notre vie moderne et à l’effort musculaire nécessaire pour la produire. Nous proposons également un cuiseur solaire à lentille de Fresnel, qui est pour l’instant expérimental.

Le cuiseur solaire

Pour nous, l’important est d’insister sur l’aspect écologique, durable, décroissant, débrouillard et humain des objets « basse technologie ». Le low-tech fait partie des activités qui nous demandent beaucoup de tests et d’expérimentations, avec des résultats variés. Nous utilisons certains outils au quotidien, comme le four solaire et le moulin à farine avec un moteur de machine à laver. Pour d’autres, comme la machine à laver à pédales, nous les utiliserons lorsque nous n’aurons plus le choix car ils sont chronophages. Enfin, pour les derniers, comme le cuiseur solaire, nous constatons qu’il sera difficile de les utiliser dans notre quotidien, à moins d’améliorer encore le prototype que nous avons élaboré.

Le low-tech demande beaucoup de tests et d’expérimentations

Quelles sont les principaux avantages que vous avez trouvés à votre nouveau mode de vie? Quelles difficultés avez-vous rencontrées?

Notre mode de vie actuel nous permet à la fois de vivre en accord avec nos valeurs et d’avoir une grande indépendance vis-à-vis du système consumériste. Nous pouvons également accompagner nos enfants en respectant leur rythme et diminuer l’impact de notre passage sur cette planète. L’avantage le plus enrichissant reste la multiplicité des rencontres que nous pouvons faire au travers de nos différentes activités, nous permettant d’avancer en permanence dans notre réflexion. Néanmoins, ce mode de vie nous a amenés à multiplier le nombre de nos activités, rendant notre quotidien plus que chargé… Nous réfléchissons à une prochaine thématique de nos formations qui pourrait être : « Prévenir le surmenage des collapsos… » !

Est-ce que ce type d’autonomie est accessible à tout le monde (moyens financiers, compétences…) ?

Nous avons tendance à dire qu’à partir du moment où l’on a l’envie, le reste suivra aussi. En revanche, en fonction des compétences de départ de chacun, la route de la résilience et de l’autonomie sera plus ou moins longue. Quant aux moyens financiers, n’imaginez pas que nous avons mis tous nos œufs dans le crowdfunding panier… Les projets de résilience peuvent tout à fait s’adapter au budget de chacun, notamment par rapport à l’habitat où l’on peut choisir dans un large panel allant de l’habitat léger à la rénovation d’un bâti ancien.

Construire une cabane en osier

Vous animez des ateliers et des stages, quels types d’activités y proposez-vous?

Nous organisons ensemble des stages d’immersion en famille où, durant une semaine, nous proposons des ateliers aussi variés que l’autonomie alimentaire, la permaculture, l’autonomie énergétique, l’autonomie dans la santé, l’instruction en famille, la communication bienveillante… Nous proposons des visites de lieux autonomes et éco-construits et nous prenons un temps d’accompagnement et d’étude des projets de résilience de chacun. C’est l’occasion de vivre à un autre rythme et d’expérimenter les toilettes sèches, la douche solaire extérieure, la machine à laver à pédales… L’objectif de nos stages est de permettre à chacun d’avancer et de repartir avec des outils, des compétences et des pistes de réflexion adaptables dans son projet et dans son quotidien.

Quels conseils donneriez-vous pour débuter à quelqu’un qui veut devenir un peu plus autonome et qui ne sait pas par où commencer?

Pour nous, ce sont les conférences et les lectures qui précisent et affinent le projet. Néanmoins ce sont les stages et les rencontres qui permettent d’acquérir de réelles compétences et savoirs-faire pour devenir résilient et rentrer dans l’action. Ainsi, pour débuter, il est important de mettre en exergue les besoins inhérents à votre cellule familiale propre (célibataire, couple, famille…) tout en gardant à l’esprit l’éventualité d’une évolution. Ensuite, il est intéressant de réfléchir aux zones géographiques d’implantation possible : proximité familiale, proximité d’une zone collapso-dynamique… Puis, identifiez vos réelles compétences et vos points faibles et choisissez les formations pouvant vous permettre de combler ces lacunes. Optez pour une période d’immersion et vous serez prêt à vous lancer!

Propos recueillis par Dominique Py

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