The Newsroom et le climat : quand la fiction énonce le vrai

Si la fiction est le lieu de l’invention et du dépassement de la réalité, elle permet aussi parfois de dire les choses plus clairement, presque innocemment, justement sous le prétexte de la fiction.

Cette interview est basée sur les mesures réelles de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère effectuées en… 2012. À noter que l’épisode dont est issu l’extrait ci-dessous date également de 2012, une simple série télévisée a donc été aussi prompte que les grands médias d’information et, vous allez le voir, nettement plus directe sur les conséquences du réchauffement climatique. C’était il y a bientôt 3 ans. Nous risquons de découvrir dans les années à venir le vrai sens de l’expression « la réalité dépasse la fiction ».

(À propos du risque méthodologique de ne chercher que les informations qui confirmeraient opportunément un point de vue, lire cet article).

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Série The Newsroom, saison 3 épisode 3, 2012 (sous titres en anglais dans les options Youtube de la vidéo, retranscription en français ci-dessous) :

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Les phrases essentielles :

– « Les personnes qui mourront à cause d’une catastrophe environnementale sont déjà nées. »

– « Vous estimez le problème urgent ?

Westbrook : Pas exactement. Votre maison brûle complètement, le problème est urgent. Votre maison a déjà brulé, le problème est réglé. »

– « Vous sous-entendez que c’est sans espoir. C’est l’avis de l’administration ou le vôtre ?

Westbrook : Il n’y a pas plus d’avis à avoir là-dessus que sur la température de l’eau bouillante. »

– « Nous devrions connaître une évolution dystopique vers une vie post-apocalyptique. »

– « C’est le problème Will. Les américains sont optimistes de nature. Si nous faisons face au problème, si nous écoutons nos meilleurs scientifiques et agissons de manière décisive, je ne vois quand même pas comment nous pourrions survivre. »

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Vidéo :

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Retranscription intégrale :

Will McAvoy (journaliste) : Ce jour, le gouvernement a rendu publique une information surprenante sur le niveau de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Nous sommes avec le délégué Richard (…) C’est une mise en garde des scientifiques de l’Administration de l’Océan et de l’Atmosphère. Le monde a dépassé un cap longtemps craint : le niveau de concentration de CO2 a atteint un seuil jamais atteint depuis des millions d’années.

(McAvoy à l’expert, en off) : Il n’y aura pas de questions difficiles. Je vais vous demander de développer le rapport. Dites que vous êtes un témoin-expert et que je suis votre avocat.

Richard Westbrook (expert) : Ça me semble bien.

McAvoy : Les 450 ppm vont bientôt être passées. La question est : comment allons-nous y faire face ? Mr Westbrook, vous avez passé une grande partie de votre carrière comme climatologue dans le secteur public.

Westbrook : Oui, dix ans comme analyste superviseur au Bureau d’Information Environnemental. Avant cela, j’étais spécialiste des programmes de l’Agence pour l’Environnement.

McAvoy : Vous êtes Dr en climatologie de Stanford.

Westbrook : Oui, aussi en chimie avec un master en biologie.

McAvoy : Parlez-nous de ce rapport révélé récemment.

Westbrook : Les dernières mesures effectuées à Mauna Loa, Hawaï, indiquent un niveau de CO2 de 400 ppm.

McAvoy : Pour savoir de quoi nous parlons, si vous étiez docteur et nous les patients, quel serait votre pronostic ? 1000 ans, 2000 ans ?

Westbrook : Les personnes qui mourront à cause d’une catastrophe environnementale sont déjà nées.

McAvoy : Pouvez-vous développer ?

Westrbrook : La dernière fois où le taux de CO2 était aussi élevé, les océans étaient 25 mètres plus haut. Deux choses à savoir : la moitié de la population dans le monde vit à moins de 200 km d’un océan. L’homme ne respire pas sous l’eau.

McAvoy : Vous estimez le problème urgent ?

Westbrook : Pas exactement. Votre maison brûle complètement, le problème est urgent. Votre maison a déjà brulé, le problème est réglé.

McAvoy : Que faire pour inverser le cours de choses ?

Westbrook : On aurait pu faire beaucoup de choses. Il y a vingt ans, même dix ans. Mais maintenant… non.

McAvoy : Donneriez-vous un exemple qui nous aiderait à comprendre ?

Westbrook : Oui. Si vous êtes assis dans votre voiture, moteur allumé, dans votre garage, porte fermée, et que vous perdez connaissance. C’est… fini.

McAvoy : Si quelqu’un ouvre la porte du garage ?

Westbrook : Vous êtes déjà mort.

McAvoy : Si cette personne arrive à temps ?

Westbrook : Vous pourriez être sauvé.

McAvoy : Quelle équivalence en CO2 représente ce sauvetage in extremis ?

Westbrook : Ne plus rouler en voiture pendant 20 ans.

McAvoy : Vous sous-entendez que c’est sans espoir. C’est l’avis de l’administration ou le vôtre ?

Westbrook : Il n’y a pas plus d’avis à avoir là-dessus que sur la température de l’eau bouillante.

McAvoy (troublé) : L’administration… charbon propre, nucléaire, améliorer les normes d’économie d’essence et construire un réseau électrique plus efficace…

Westbrook : Oui.

McAvoy : Et ?

Westbrook : Cela aurait été bien.

McAvoy : Laissez-moi voir si on ne peut pas trouver mieux, les gens commencent leur week-end. Le rapport dit qu’on peut relâcher 565 gigatonnes de CO2 en plus sans que les effets soient calamiteux. Que se passerait-il si on en relâchait que 564 ?

Westbrook : Nous devrions connaître une évolution dystopique vers une vie post-apocalyptique. Mais le dioxyde de carbone dans le pétrole que nous avons déjà consommé est de 2795 gigatonnes et…

McAvoy : À quoi cela ressemblera-t-il ?

Westbrook : Migrations en masse, pénurie de nourriture et d’eau, des propagations d’épidémies mortelles, des incendies sans fin. Trop de choses pour que nous en gardions le contrôle. Des tempêtes qui ont le pouvoir de raser des villes, d’obscurcir le ciel et de nous plonger dans les ténèbres.

McAvoy : N’allez-vous pas avoir des ennuis en disant cela en public ?

Westbrook : Est-ce important ?

McAvoy : Mr Westbrook, nous voulons informer les gens, mais nous ne voulons pas les alarmer. Pouvez-vous nous donner une raison de rester optimiste ?

Westbrook : C’est le problème Will. Les américains sont optimistes de nature. Si nous faisons face au problème, si nous écoutons nos meilleurs scientifiques et agissons de manière décisive, je ne vois quand même pas comment nous pourrions survivre.

McAvoy : Merci. Richard Westbrook, Administrateur de l’EPA.

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