Soirée «quelles transitions dans un contexte d’effondrement?» à Grenoble le 13 mars 2019

La soirée « Quelles transitions dans un contexte d’effondrement ? », organisée par la ville de Grenoble dans le cadre de la Biennale des villes en transition, a accueilli un public particulièrement nombreux. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement quelques mois, attirer huit cent personnes avec un pareil sujet ? Manifestement la prise de conscience est devenue contagieuse…

Trois scientifiques participaient à la table ronde, animée par Antoine Back, élu de la ville particulièrement informé sur ces sujets et acteur majeur du volet « Résilience » de la Biennale.

Emmanuel Prados (équipe STEEP de l’INRIA) a présenté ce que dit la science du risque d’effondrement de nos sociétés modernes. Il a (re)précisé le constat des scientifiques, basé sur des données vérifiables et mesurables, puis évoqué les verrouillages très profonds qui empêchent le changement de trajectoire à l’échelle de temps nécessaire. En prenant pour exemple les vingt-cinq ans de négociations et accords internationaux qu’il a fallu pour interdire les CFC destructeurs de la couche d’ozone – alors que cela ne concernait que les appareils frigorifiques – on peut imaginer les difficultés à venir pour ce qui concerne l’intégralité de notre modèle de croissance. Ont alors été présentés les deux types d’effondrement concomitants auxquels nous allons devoir faire face : tendanciel (lent et certain) et par contagion (rapide mais aléatoire).

Pablo Servigne, qu’on ne présente plus (et dont l’aura médiatique n’était sans doute pas étrangère à l’afflux du public), a présenté son point de vue sous l’angle du « comment vivre avec l’idée d’effondrement ». Selon lui c’est un point important de la réflexion, puisque de cette perception découle notre façon d’appréhender la suite. Il est revenu sur la notion de « transition », qui n’est pas un terme anodin puisqu’il implique la perte d’un état initial (notre mode de vie « de riches », en l’occurrence) pour aller vers un nouvel état, moins favorable. Il a parlé de « psychodiversité » quant à la façon qu’a chacun de percevoir les choses : sous l’angle de la science, des émotions… Il a insisté sur la façon d’annoncer la « mauvaise nouvelle », qui peut « pourrir le présent », ou permettre de bien le vivre. Il a enfin invité à « décloisonner les imaginaires », invitant les sociologues à faire des expériences de pensée sociale, à l’instar de la science-fiction.

Julie Bonnet, jeune docteure en microbiologie et membre d’Adrastia Grenoble, a quant à elle témoigné de son propre parcours de conscience : après de longues études, elle s’est rendu compte que « tout ça ne sert à rien » puisque le temps nécessaire à la recherche, à laquelle elle s’était destinée, dépassera celui qui nous reste avant le délitement de nos structures. Elle se situe à ce moment de la vie où, tout juste sortie des études et encore libre d’engagements familiaux, la question du sens se pose de façon cruciale. Elle a insisté sur l’importance du regard critique face aux propositions de « solutions » qui émergent ici ou là dans les jeunes génération (marches climatiques). Elle a invité à ne pas se laisser enfermer dans les bulles d’informations que l’on peut être tenté de suivre pour confirmer indéfiniment ce que l’on sait. Pour elle est venu le temps de passer à l’action… car l’avenir ne sera pas rose. Selon elle, nous allons vers un environnement moins accueillant et trois axes lui servent de guide : résilience, résistance, régénération. Elle en a détaillé les principes (sobriété, minimalisme, low tech…), en n’hésitant pas à évoquer certains sujets tabous: le rationnement, l’improbable résilience du système de santé. Elle a insisté sur l’importance de la résilience psychologique, qui se prépare : comment gérer sa souffrance, sa douleur, celle des autres ? Elle a terminé par un constat dérangeant: depuis notre vision d’occidentaux, ce que nous avons peur de perdre ce sont… nos privilèges illégitimes.

L’ambiance générale de la soirée a fluctué entre moments de rires complices et concentration plus grave. Julie Bonnet, en particulier, très applaudie, a su faire vibrer l’auditoire par son engagement personnel autant que par la nouveauté de son point de vue. Finalement, après des questions et témoignages venus du public, et notamment la mise en parallèle de l’effondrement actuel au Venezuela, Pablo Servigne a lancé, sur le ton de la boutade, l’idée d’un « Conseil National de la Résilience ».

Pierre Eymery
responsable du groupe Adrastia Grenoble

One comment on “Soirée «quelles transitions dans un contexte d’effondrement?» à Grenoble le 13 mars 2019”

  1. yves dit :

    Des videos sont (ou seront-elles ?) disponibles des interventions ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *