Interview d’Olivier Gruié pour Adrastia

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Le 8 novembre 2015, interview d’Olivier Gruié pour Adrastia.

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Olivier Gruié avait annoncé sur les réseaux sociaux en Septembre 2015 qu’il quittait son entreprise pour se lancer dans la permaculture avec ce message : « Après 21 ans à travailler dans des multinationales, me voici à plein temps dans la permaculture ».
Il nous a paru intéressant d’en savoir plus sur son parcours.

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Adrastia : Pouvez-vous vous présenter ?

Olivier Gruié : Je m’appelle Olivier Gruié, j’ai 44 ans, je suis marié et j’ai deux enfants. J’habite à Levallois-Perret en région parisienne.

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A. : Quel a été votre parcours ?

O. G. : J’ai fait des études de commerce (EDHEC à Lille) et j’ai ensuite travaillé 17 ans chez 3M, 2 ans chez Philips et 2 ans chez Gibson Innovations. J’ai fait du contrôle de gestion, de la gestion de projets et de la vente aux grands comptes.

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A. : Pouvez-vous nous citer quels travaux, quels événements ou quelles personnalités vous ont poussé vers votre prise de conscience ?

O. G. : Je suis intéressé à l’astrophysique et c’est un livre de Hubert Reeves, coécrit avec Frédéric Lenoir Mal de Terre qui m’a fait prendre conscience des problèmes écologiques en 2003.
Je me suis ensuite intéressé aux problèmes d’alimentation et de santé, avec notamment des livres de David Servan-Schreiber .
Le documentaire Une vérité qui dérange de Al Gore en 2006 m’a marqué, j’ai tout de suite été convaincu de la réalité du réchauffement climatique et que nos vies en seraient profondément changées.
J’ai pris aussi conscience plus récemment de l’imminence du pic pétrolier avec Jean-Marc Jancovici , du fait que les énergies renouvelables ne pourraient que partiellement remplacer un pétrole très dense énergétiquement, des limites physiques à la croissance et qu’il faudrait changer en profondeur notre façon de vivre dans les décennies à venir.

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A. : Qu’est ce qui vous a décidé à changer de vie et à choisir la permaculture ?

O. G. : Au niveau personnel et familial, cela fait maintenant 10 ans que j’ai commencé à avoir une alimentation plus saine (moins de plats cuisinés, plus de fruits et de légumes, du bio) et je ne mange presque plus de viande depuis 2 ans et demi, pour des raisons écologiques et également de souffrance animale.
J’ai beaucoup voyagé par le passé, mais à présent j’ai pratiquement arrêté de prendre l’avion.

Je pratique la méditation quotidiennement (inspiré par Mathieu Ricard et Christophe André). C’est une pratique laïque, de pleine conscience, qui a eu et a toujours des répercussions très positives dans ma vie.

Au fil du temps, il y a eu une dissonance de plus en plus forte entre mes convictions personnelles et mon travail. Il y a 2 ans, j’ai assisté à une conférence (organisée par l’entreprise Philips où je travaillais) de Louis-Albert de Broglie propriétaire du château de la Bourdaisière près de Tours, il a mentionné la permaculture et le sol vivant, et la nécessité d’un retour à des exploitations agricoles plus petites et nécessitant moins d’intrants (engrais chimiques, énergie). J’ai eu un déclic.

J’ai fait un court passage à la micro-ferme de la Bourdaisière près de Tours puis j’ai suivi le cours certifié à la permaculture au Bec-Hellouin début 2015, et j’ai quitté mon entreprise en juillet 2015, après avoir négocié un accord avec mes managers.

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A. : Quels sont vos projets maintenant ?

O. G. : L’accord de départ de mon entreprise fait que je dispose de temps pour peaufiner mon projet, qui sera dans le domaine de la permaculture.

Pour l’instant, habitant toujours à Levallois-Perret, je travaille comme bénévole pour l’association  Levallois en Transition. L’objectif de l’association est de développer la résilience de la ville (dans le sillage des Villes en Transition, mouvement initié en Angleterre par Rob Hopkins). Il y a un pôle bien-être également (yoga, pilates, ostéopathie…)
Nous démarrons un jardin partagé dans l’un des parcs de la ville, pour y cultiver des légumes et créer du lien social (nous faisons partie du mouvement des Incroyables Comestibles ).
Dans quelques années, je souhaiterais quitter la région parisienne et m’installer dans un lieu qui me permette de créer mon propre jardin en permaculture.

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A. : À votre avis, quelles sont les limites de la permaculture (s’il y en a) en regard des surfaces cultivables : quelle part de celles-ci la permaculture peut-elle occuper par rapport à celles consacrées à la culture des céréales, des fourrages et de l’élevage à travers le monde ?

O. G. : Rappelons tout d’abord que la permaculture ne se limite pas au domaine de l’agriculture mais concerne également l’habitat, l’éducation, l’énergie, etc.
Son but est de concevoir des systèmes humains résilients dans un contexte de réduction de la disponibilité d’énergie, en limitant les intrants, en multipliant les interactions entre les éléments du système, en recyclant les déchets, en s’appuyant sur la nature.

Pour la production de fruits et légumes, la permaculture est particulièrement intéressante. Nous avons besoin de produire beaucoup plus localement, sans pesticides et sans engrais chimiques (qui demandent beaucoup d’énergie pour être fabriqués et détruisent l’humus en stimulant les bactéries du sol qui le minéralisent). S’appuyer sur un sol vivant, sur la biodiversité, avec des techniques anciennes ou innovantes (association des cultures, rotation des cultures, paillage, engrais naturels respectueux de la vie, des outils adaptés…) est essentiel.

Le projet Fermes d’Avenir de Maxime de Rostolan , les études de l’INRA à la Ferme du Bec Hellouin sont très encourageants parce qu’ils montrent qu’on peut produire davantage au m2 qu’en agriculture conventionnelle. Cela demande plus de travail humain, moins de pétrole, et c’est précisément ce dont nous avons besoin, de créer des emplois et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles pour protéger le climat.

Les particuliers peuvent aussi jouer un grand rôle en produisant eux-mêmes davantage de nourriture, en transformant une partie de leur gazon en un espace de production de fruits et légumes.

Cela ne se fera pas en un jour, il y a beaucoup de connaissances à acquérir, mais internet est un formidable outil pour partager les connaissances. C’est dans cet esprit que j’ai créé le site mon jardin en permaculture, un site pédagogique.

Concernant la culture de céréales, l’agroécologie et l’agroforesterie (qui consiste notamment à réintégrer l’arbre au cœur des cultures) sont des solutions dignes d’intérêt. Il me paraît très important de pouvoir réutiliser les semences paysannes adaptées aux terroirs, pour des cultures moins fragiles et moins consommatrices d’eau, d’engrais et de pesticides.

Concernant l’élevage, je suis convaincu qu’il faut que nous réduisions fortement notre consommation individuelle de viande, en tout cas de viande produite industriellement, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau et d’énergie.
Importer du soja OGM du continent américain pour nourrir les animaux est un non-sens écologique.
Même si on peut améliorer les conditions d’élevage, nourrir les animaux avec du fourrage, je ne suis pas convaincu de la nécessité de tuer 65 milliards d’animaux terrestres par an dans le monde, en ne les laissant vivre qu’une courte vie, avec au final des conditions d’abattage sinistres, même en bio. La logistique liée à la viande demande pas mal d’énergie pour préserver la chaîne du froid, la viande ne se conserve pas longtemps…
Nous pouvons trouver les protéines et le fer dans le végétal, donc je pense qu’il est bon de chercher à réduire sa consommation de viande dans de nombreux cas.

Cela demande de changer nos habitudes alimentaires certes et d’accompagner les éleveurs dans une reconversion car ceux-ci sont endettés et prisonniers d’un système.

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A. : Quel avenir, souhaitez-vous à vos enfants et à l’humanité ?

O. G. : Je souhaite à l’humanité d’être davantage consciente de sa fragilité et de sa dépendance envers la nature dont elle fait partie, et de réussir une transition, en particulier les pays riches car les pays pauvres ont l’envie – légitime – de copier le modèle.

De plus en plus d’hommes et de femmes le comprennent et se mettent en mouvement, en particulier dans la société civile, afin de faire face aux défis présents et à venir.

Nous ne pouvons pas tout attendre des politiques, des entreprises et du progrès technologique. Nous devons changer notre façon de consommer, de nous déplacer, de produire notre nourriture, de nous loger, de produire notre énergie, d’éduquer nos enfants…
La résilience, notre capacité à absorber les chocs, dépend de notre capacité à nous relier, à accroître notre autonomie alimentaire et énergétique, à protéger notre environnement et à vivre plus sobrement. Peut-être est-ce indissociable d’une évolution intérieure ?

J’ai du mal à imaginer que le système actuel, basé sur l’extraction des ressources, la société de consommation, la croissance du PIB etc. puisse se corriger de lui-même sans des contraintes maximales et brutales. Les gens riches sont souvent convaincus qu’ils n’y ont guère intérêt et leur influence est considérable sur le système politique, économique et financier.

S’il existe une solution pour se préparer à cette transition, devenir plus résilients, cette solution viendra d’en bas, de la société civile, elle seule peut faire changer les grosses entreprises et les politiques.

Commençons par changer nous-mêmes, à l’intérieur et par les actions que nous posons chaque jour.
Des milliers d’initiatives sont en marche, « on entend plus l’arbre qui tombe que la forêt qui pousse » comme dit le proverbe africain, mais je souhaite que nous soyons de plus en plus nombreux à prendre conscience des enjeux et à nous engager.

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Olivier Gruié

 

2 comments on “Interview d’Olivier Gruié pour Adrastia”

  1. Olivier dit :

    J’habite Levallois aussi et je ne connaissais pas l’association dont Olivier Gruié parle. Merci pour cette interview.

  2. Bernard Abrial dit :

    Bravo Olivier pour ton parcours que je ne connaissais pas
    Bernard Abrial

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